samedi 20 janvier 2024

Figures de Style - Le sel de la langue

Une figure de style est un procédé langagier, à l'écrit ou à l'oral, qui se démarque de la forme la plus simple, ou forme canonique de la langue. La forme canonique est syntaxiquement une structure sujet-verbe-complément avec ordre contraint des propositions et utilisation contrainte des mots grammaticaux, sémantiquement un discours avec des mots dans leur sens propre et, phonétiquement et graphiquement sans fantaisie volontaire.

Une figure de style est donc un procédé qui s'éloigne peu ou prou de ce modèle standard. Nous en usons donc en permanence, car la forme canonique est minoritaire en littérature ou dans les conversations.

Pourquoi étudier les tropes et figures de style ? Parce que c'est intéressant, amusant, passionnant, aussi parce que nous les pratiquons souvent sans le savoir et que mieux les connaître permet de mieux les maîtriser en écriture, les utiliser à bon escient.


Par métaphore, c’est le sel de la langue. En tant qu’adynaton, elles déplacent des montagnes. Quand elles sont anantapodoton, de deux choses l’une : soit on les aime.

En anastrophe, les aimer vous devez.

Par anacoluthe, vous voulez que je vous en parle et les décrire en même temps.

Sous assonance et allitération, une figure augure de rudes cures ligures.

Avec les aposiopèses, vous direz « vous savez, moi, les figures de style... »

Après analepse, vous décrirez ce jour où assis sous un arbre, la muse des figures est venue vous visiter, il y a 25 ans… Et sous prolepse, vous vous projetterez sous ce même arbre dans 25 ans, poursuivi par un oxymore qui vous parlera de son obscure clarté.

Et que dire de l’antimétabole, laquelle vous dira que les figures de style donnent du style aux figures ?

Pour terminer, audacieux, par un enthymémisme dont nous ne sommes pas coutumiers : « je les aime courageux, qu’en ferais-je veule ? »

Et l’épanorthose, alors ? J’espère que vous aimerez les figures de style... non, j’en suis sûr !

Moi, avec l’anaphore, je vous montrerai ce qu’on fait.

Moi, avec l’anaphore, je vous emmènerai loin.

Moi, avec l’anaphore, je vous ferai aimer leur monde.

Et avec ceci, nous pourrions dire… bien d’autres choses encore.

dimanche 7 janvier 2024

Dites-moi que vous voulez que ça change

J’ai longuement hésité avant d’écrire cet article, cherchant l’angle d’attaque idéal pour faire passer mon point de vue tout en me démarquant de la majorité des posts actuels sur le sujet qui se concentrent sur un nom, une personnalité, une carrière, qui pour le défendre, qui pour le démolir, alors que le problème est ailleurs.

Le problème n’est pas un homme, ça ne peut pas être qu’un homme.

Le problème n’est pas qui il est et ce qu’on doit faire de son nom, de ses honneurs, des œuvres où il apparaît ou des statues qu’on lui a érigées, selon l’homme en question, car la médiatisation des cas livre des noms ponctuellement qui concentrent exagérément toute l’attention du moment.

Le problème, c’est nous tous, la société et le microcosme qui ont rendu possibles leurs agissements, de même que les agissements de tous les agresseurs auxquels on passe « tout », c’est-à-dire ce qui est uniquement visible, ce qu’ils font et disent en public, parce qu’ils ont du charisme, du pouvoir ou de l’ascendant, parce qu’on confond parfois « bon vivant » et « intolérablement grossier ». Un agresseur n’est généralement pas assez stupide pour franchir certaines bornes au vu et au su de tous… sinon, ça s’appelle de la complicité pour les témoins.


Ici, je me mets du coté des victimes, délibérément. Par empathie naturelle, je suis du côté des femmes à chaque remarque sexiste ou geste déplacé, je suis du côté des homosexuels à chaque remarque homophobe ou geste déplacé, etc. Je ne dirai jamais « mais qu’il est drôle ! » à une blague misogyne ou raciste ou « quoiquecesoitophobe », tant il est facile de maquiller ses convictions profondes derrière un « ça va, je rigole ! » de circonstance.

Je n’ai pas de doute quand une personne est visée par plusieurs dizaines d’accusations et de témoignages sur le long cours. J’ai étudié les chiffres concernant les viols en France, je sais les estimations du nombre de viols, du nombre de fausses plaintes, du nombre de plaintes tout court et du nombre de condamnations à l’arrivée.

Quand on pense à ce qu’il faut de courage pour accuser quelqu’un publiquement, surtout quand la personne est connue... et que soi-même on n’est personne dans l’espace médiatique, pour moi il n’y a pas de doute. Ce pourrait être juste une question de probabilités : une accusation de viol est fausse dans 5 % des cas environ. Alors deux, c’est bien moins… et onze, douze, treize, quatorze… non, il n’y a pas d’innocent devant de tels nombres. À moins d’un incroyable concours de circonstance.


Je me mets donc du côté des victimes et des accusatrices. Dans un cas comme celui dont on a beaucoup parlé, ce sont elles qui ont besoin de soutien, c’est leur cas qui devrait nous importer, leur réparation, leur protection. Et peu importe, finalement, qui les a agressées si le reste de la société leur refuse sa considération pour des motifs qui n’ont rien à voir avec le sujet. On n’excuse pas un méfait par l’aura de son perpétreur. On ne justifie par un abus par les excès de vie de l’abuseur. Ce sont même des circonstances aggravantes, l’abus de pouvoir ou l’abus de substances, quand il s’agit de justice.

Il ne suffit pas d’avoir des témoins de moralité qui jurent n’avoir jamais été agressées par la personne visée. Je me permets de citer le remarquable et provocateur Jean-Michel Truong en la matière : « si on doit compter toutes les femmes qu’il n’a pas violées, on n’a pas fini ». C’est une mauvaise défense pour un agresseur que de dire de lui qu’il n’a pas agressé tout le monde. Ou bien c’est un ultime soubresaut.


Et justement, en parlant de ça :

« Laissons la justice faire son travail », me dit-on.

Il faudrait déjà qu’elle le fasse, qu’elle ait le temps et les moyens de le faire. Mais d’accord, laissons-la. D’accord, mais à une seule condition : que les consciences fassent leur travail également, qu’on cesse de désigner les victimes comme co-responsables de l’agression. Que la société fasse son travail, en protégeant les victimes par l’intransigeance. Que les familles fassent leur travail avec l’éducation nécessaire donnée aux garçons… et aux filles, pour le respect de l’intégrité d’autrui.

Si nous ne faisons pas ce travail, qui n’est pas du ressort des tribunaux, le travail de ces derniers ne servira à rien.


Et ce n’est pas la peine de m’invoquer la « présomption d’innocence » concernant l’affaire médiatisée du moment ou tout autre affaire. Je n’ai que faire de cette présomption d’innocence, c’est une notion juridique qui concerne les tribunaux, pas moi. Je ne mets personne en accusation, je n’appelle pas au lynchage médiatique ni public, je ne cite pas de nom pour éviter d’exciter les algorithmes et les foules. Je n’ai pas à me montrer autrement prudent au nom de cette présomption d’innocence souvent brandie pour faire taire tout le monde sur un sujet qui dérange.

Je choisis simplement de croire les victimes et accusatrices, qui par leur courage ont tendu leur joue à la vindicte globale, et qui se retrouvent à nouveau invisibles et seules face au combat qui se déroule sous leurs yeux pour savoir s’il faut aimer ou détester l’homme qui les aurait agressées.

Que valons-nous en tant qu’humains si nous ne sommes pas capables en premier lieu de reconnaître et de protéger la souffrance d’autrui ? On me répondra que les agresseurs sont eux aussi des gens qui souffrent et que c’est pour ça qu’ils se comportent de telle façon... raison de plus pour ne pas les laisser faire, pour les confronter, les affronter et les aider ainsi à sortir de leur souffrance personnelle qui ne doit pas passer par la souffrance d’autrui.


Je dis ça parce que j’ai moi aussi beaucoup souffert autrefois et fait souffrir par contrecoup mon entourage par mes attitudes, mes fuites ou mes mensonges.

Je dis ça parce que j’ai moi-même été agressé il y a très longtemps et que je n’ai pas pu réagir ni parler sur le moment.

Je dis ça parce que je sais ce que c’est que la pression sociale, la peur du jugement, la honte ou la mémoire traumatique.

Je dis ça par ce que nombre de mes connaissances (en tout cas celles qui l’ont exprimé) ont été agressées et qu’il n’y a presque jamais eu de conséquences pour leur(s) agresseur(s).

Je dis ça parce qu’il n’est pas interdit de croire que les choses peuvent s’améliorer, si au moins les non-agresseurs pouvaient solidairement décider de dire non collectivement, de soutenir les victimes et de cesser d’avoir des attitudes d’esprit de corps ou des réflexions alimentant ce qu’on appelle communément la culture du viol.

Nous sommes très loin du compte en la matière. On continue à empiler des lieux communs autour des notions de « faut-il séparer l’homme de l’artiste, du boulanger, du ministre ou de l’avocat ? »

On continue à participer involontairement en étant parfois maladroits sur l’air de « tu étais habillée comment ? », « mais tu savais qu’il ne fallait pas aller chez lui ! » ou d’autres phrases qui n’aident ni la victime à se sentir mieux ni la société à mieux se comporter.


Ceci est mon appel : arrêtez de parler de l’individu poly-accusé du moment, parlez du sujet dans sa globalité, étudiez les chiffres, interrogez vos mentalités et vos réactions, regardez en face vos propres attitudes, soyez solidaires des victimes. Toute personne intelligente, c’est-à-dire quasiment tout le monde sur cette Terre malgré ce qu’on dit de vous, toute personne intelligente doit pouvoir faire ça sans appeler au lynchage d’une personne qui effectivement n’a pas encore été jugée. Sinon, comme l’a dit justement (mais un peu tard) Jacques Weber : c’est un deuxième viol.

Ce n’est pas un épiphénomène dont nous parlons, mais un fléau qui, selon des chiffres officiels, va toucher 300.000 femmes par an (par an, bon sang !) rien qu’en France, pour ce qui concerne les violences conjugales, violences d’ex-conjoints et les viols.

https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/chiffres-de-reference-violences-faites-aux-femmes#:~:text=En%20moyenne%2C%20le%20nombre%20de,ou%20actuel%2C%20cohabitant%20ou%20non.


Je ne peux pas m’y résoudre sans rien dire et je ne peux pas lire des tribunes de soutien inconditionnel aux agresseurs sans me demander ce qui les motive et comment y répondre.

Je ne suis pas un tribunal, je ne suis pas un lyncheur, je suis un homme qui prend pour lui toutes les violences inutiles de la société dans laquelle il vit.

Dites-moi que pour vous, c’est pareil.

Dites-moi que vous voulez que ça change vraiment.