jeudi 8 janvier 2015

Charlie de 24 heures

Voilà, pendant 24 heures, j'ai été Charlie. Comme tout le monde, comme un mouvement irrépressible, puissant et nécessaire.
Mais aujourd'hui, je ne suis plus Charlie. Pourquoi ? C'est très simple, je n'en suis pas digne.
Toutes les personnes qui ont fait et font ce journal sont infiniment plus courageuses et intéressantes que moi.
Il y a deux jours encore, presque tout le monde détestait Charlie. A part quelques illuminés anarco-gaucho-anticlérico-écolo-anticapitalisto-altermondialo-mécréants pathologiques. Peut-être en étiez-vous, et je vous en félicite, mais à part ceux-là tout le monde détestait Charlie.
Charlie était féroce, méchant, impitoyable. Charlie raillait les fondamentalistes de toutes les religions, les nationalistes, les politiciens corrompus, le capitalisme sauvage, la société décadente et satisfaite, l'Occident aveuglé par ses propres vertus. Charlie choquait, faisait grincer des dents. Leurs dessins révulsaient. Il y avait bien peu de voix pour les soutenir.

C'est égal, cependant. Durant 24 heures nous fûmes tous Charlie, sans hypocrisie et en toute spontanéité.

Mais aujourd'hui, moi, je ne suis plus Charlie. Je suis celui qui est infiniment reconnaissant pour tout ce que ses membres ont fait et pour cet élan solidaire que la tragédie d'hier à généré. Je suis infiniment triste aussi à l'idée que nous allons devoir vivre dans le souvenir de leur atroce disparition, de même que celle des agents de police qui ont été tués avec eux.
Je ne suis plus Charlie parce que je suis rendu à ma condition de petit être désemparé, muni du seul espoir qui vaille : que cet événement donne à toutes les personnes qui le veulent la force de désirer vivre ensemble en acceptant d'être différents.
Je ne suis plus Charlie parce que Charlie a marché seul pendant des années et que je n'ai pas le droit de porter son nom.

mercredi 7 janvier 2015

Du rien

Difficile aujourd'hui d'avoir une pensée légère, une activité sereine ou même une once de joie.

Il reste le grand creux du monde sans sens. L'image de l'humanité insignifiante. L'homme n'est rien, l'homme ne va nulle part. S'il est un dieu au-delà de nos misères, il se moque nécessairement de nous. Le contraire n'est pas accessible à ma raison.
Je le savais déjà, je crois, que nos vies sont ridicules.

C'est peut-être pour cela que je veux poursuivre, inventer, persister.
Dans la douleur et peut-être sans.
Créer, être mon propre artiste, avoir un langage qui est le mien, ne réaliser que cette prouesse insensée qui est de vouloir faire quelque chose avant le néant.

C'est mon devoir. C'est mon seul pouvoir.