Voilà, pendant 24 heures, j'ai été Charlie. Comme tout le monde, comme un mouvement irrépressible, puissant et nécessaire.
Mais aujourd'hui, je ne suis plus Charlie. Pourquoi ? C'est très simple, je n'en suis pas digne.
Toutes les personnes qui ont fait et font ce journal sont infiniment plus courageuses et intéressantes que moi.
Il y a deux jours encore, presque tout le monde détestait Charlie. A part quelques illuminés anarco-gaucho-anticlérico-écolo-anticapitalisto-altermondialo-mécréants pathologiques. Peut-être en étiez-vous, et je vous en félicite, mais à part ceux-là tout le monde détestait Charlie.
Charlie était féroce, méchant, impitoyable. Charlie raillait les fondamentalistes de toutes les religions, les nationalistes, les politiciens corrompus, le capitalisme sauvage, la société décadente et satisfaite, l'Occident aveuglé par ses propres vertus. Charlie choquait, faisait grincer des dents. Leurs dessins révulsaient. Il y avait bien peu de voix pour les soutenir.
C'est égal, cependant. Durant 24 heures nous fûmes tous Charlie, sans hypocrisie et en toute spontanéité.
Mais aujourd'hui, moi, je ne suis plus Charlie. Je suis celui qui est infiniment reconnaissant pour tout ce que ses membres ont fait et pour cet élan solidaire que la tragédie d'hier à généré. Je suis infiniment triste aussi à l'idée que nous allons devoir vivre dans le souvenir de leur atroce disparition, de même que celle des agents de police qui ont été tués avec eux.
Je ne suis plus Charlie parce que je suis rendu à ma condition de petit être désemparé, muni du seul espoir qui vaille : que cet événement donne à toutes les personnes qui le veulent la force de désirer vivre ensemble en acceptant d'être différents.
Je ne suis plus Charlie parce que Charlie a marché seul pendant des années et que je n'ai pas le droit de porter son nom.
Vois-tu avec eux, j'ai commencé par être Pilote, puis l'Echo des Savanes, puis Hara-kiri et enfin Charlie.
RépondreSupprimerAlors certes, je n'ai rien du talent , de la causticité ni probablement du courage (le mien n'a pas été mis à l'épreuve) de ceux qui ont été exécutés, ni de ceux qui restent et qui vont continuer... Je ne suis sans doute pas Charlie, mais je suis avec Charlie, car l'esprit de Charlie doit vivre .
Bien d'accord avec toi.
RépondreSupprimerCela dit, c'est presque une manière de dire que je le suis en ne l'étant pas...
Tout à fait d'accord avec "almanachronique".
RépondreSupprimerÀ vrai dire, je trouve même qu'ils n'allaient plus assez loin, on ne peut plus "choquer" comme avant.
Je continue "à être Charlie", parce qu'il véhicule ce que nous sommes culturellement au plus profond de nous-mêmes et qui malheureusement tend à disparaître : provoquer pour faire évoluer, provoquer pour déstabiliser et pousser dans ses retranchements, etc.
Il est bien évident que dans le sens où vous l'entendez tous les deux, je "suis Charlie" ;-))
RépondreSupprimerMais je refuse dorénavant de le dire comme ça par pure émotivité...
Tu as raison, pour moi ce slogan fut celui des 24h, je l'ai épinglé ce matin sur ma veste pour le geste.
RépondreSupprimerPar contre "le seul espoir qui vaille" dont tu parles, je ne l'ai pas ce soir. Je viens d'écrire sur FB à ce sujet.
J'ai vu cela, Laure, et je comprends ton découragement. Pour autant, tu sais bien que le monde ne sera jamais complètement en paix et que l'ouverture d'esprit et la liberté de conscience sont des combats permanents.
SupprimerJ'ai encore de l'espoir parce que ça fait vivre, littéralement... même si ce n'est pas facile.
Allez!!!! je fais un post sur l'almanachronique...
RépondreSupprimerOui, c'est vif, c'est joyeux, bravo !
Supprimerje viens de lire ton billet , et je te remercie pour la lucidité avec laquelle tu résumes la vision que le citoyen lambda avait du journal avant ce drame.
RépondreSupprimerpour ma part, je ne lisais plus trop Charlie depuis pas mal d'années , bien que je me sente très proche de leur démarche et attachée à ce droit libertaire à la satire au rire subversif qui nous est propre dans ce pays des droits de l'homme.
j'ai lu Pilote et plus tard la Gueule ouverte dans "mon jeune temps"!!
Mais c'est sur que même par solidarité, je pense qu'aucun d'entre nous n'aurait eu le cran qu'ils ont eu de tenir ,de tenir encore et toujours de ne pas plier devant les menaces et intimidations de toutes sortes.
Cette équipe de choc de joyeux barjots talentueux de très haute volée n'a jamais affadi ni renié leur engagement , et finalement , ils sont morts pour leurs idées et surtout leur idéal de LIBERTÉ.
Il est urgent et primordial que CHARLIE continue coute que coute ,
Mais nous , bien sur , nous ne sommes pas Charlie , malgré notre soutien , notre désir , nous ne serons jamais à la hauteur , mais ça ne change en rien notre solidarité et engagement pour L'HUMAIN.
Bonne continuation Sébastien ,
Merci crouk, et merci de m'avoir si bien compris. Je suis pleinement d'accord avec tes conclusions.
Supprimer"exagérer pour résoudre" telle était certainement une partie de leur façon de dénoncer...
RépondreSupprimersûr : nous n'arrivons pas à leur cheville, mais j'aime cet élan de solidarité qui nous anime et ...montre un petit bout de notre humanité
Bien d'accord également, Christel. J'ai essayé de ne le vivre que sous cet angle et c'était bien, tout cet amour donné entre amis et entre proches.
SupprimerTout d'abord, merci pour le lien me permettant la lecture du texte initial, afin de mieux comprendre les commentaires sur Cop's. A cette lecture, je serais bien présomptueux de me prendre pour un permanent de chez Charlie.
RépondreSupprimerPourtant, je le croyais.
Je le croyais parce que mercredi, vers midi et demie, lorsque j'ai appris la nouvelle, je me suis jeté désemparé sur ma boîte mail pour lancer à mes copains, ceux dont je savais qu'ils seraient, comme moi, effondrés et j'ai tapé "ils ont tué Cabu… et Charb". C'était tout ce qu'on savait à cette heure, et je l'avoue, j'ai pleuré comme au soir d'octobre 81 où j'avais appris la mort de Georges Brassens.
Oui, je suis trois sensible… A cet âge là, c'est grave !
Tant pis ! Assumons.
Et puis j'ai entendu, vu, cette foule venir grossir ceux qui brusquement étaient, ou se prétendaient, tous "Charlie".
Et puis, peu à peu, je me suis senti frustré, dépossédé d'une forme de deuil que je m'étais approprié, comme ça, tout naturellement, parce que le grand Duduche m'avait accompagné depuis sa naissance, alors que je n'étais pas bien grand.
Parce que j'achetais Hara-Kiri quand j'avais 15 ans et qu'on venait de faire sauter à la dynamite un pan de culture de ma jeunesse.
Et puis j'ai compris.
J'ai compris que tous ceux qui étaient devenus Charlie, ne l'étaient que pour un moment. Le temps d'un rassemblement, le temps que la peur et le besoin de se rassembler pour l'exorciser fasse son oeuvre.
Quelques heures, quelques jours…
Et puis lorsque j'ai entendu les politiques appeler à ce rassemblement, la colère m'a submergé. Un comble ! Les responsables appelaient à manifester contre une situation qu'ils avaient eux-mêmes créée, peu à peu, les uns après les autres !
Les vrais Charlie allaient se retourner dans une tombe qui ne les avaient pas encore accueillis !
Agnostique convaincu, je reconnais un miracle : la métempsycose existe ! Cabu, ou Charb ou un autre Charlie, réincarné en pigeon, est venu décorer d'une fiente réparatrice le veston du chef de la bande !
Je suis rassuré, les Charlie sont encore là…
J'ai noté mon nom, comme on le fait sur un cahier d'école, sur mon Charlie introuvable de mercredi dernier.
Qu'on ne me le vole pas pour le vendre !
Charlie appartenant à Marc B., le 7 janvier 2015.
Bien que pas toujours d'accord avec le fond des sujets, j'ai toujours approuvé la façon de les traiter.
J'espère être quand même un peu Charlie...
Beau commentaire, émouvant et développé...
SupprimerJe vois que tu m'as compris et la réciproque est vraie ! Mais de cela je ne suis guère surpris ;-)