vendredi 15 juillet 2011

Un PLI dans votre maison...

C'était annoncé dans le message précédent : un extrait de mon premier roman avec des vrais bouts de PLI dedans ! Il est assez long, c'est cadeau... en attendant la publication du texte entier pour... un jour, peut-être.

La nuit agitée s'achève, tout le monde est plus ou moins bien réveillé car la fête s'est prolongée fort tard. Personne n'a la gueule de bois parce qu'on ne boit pas beaucoup d'alcool dans notre tribu, à part peut-être mon beau-frère Allan. Lui c'est un gars du Nord, il a l'habitude et les boyaux blindés. Nous autres sommes des petites natures qui buvons à petites lampées et nous excusons d'avoir le verre toujours plein quand vient le moment de le remplir à nouveau.
Je suis levée depuis plus de trois heures quand les autres pointent le bout du nez. Marine, Lisa et la bondissante Saya m'accompagnent car elles ont eu une nuit presque normale, elles. C'est Catherine qui débarque la première, incapable qu'elle est de rester au lit sans dormir quand d'autres personnes s'agitent dans la maison. Lorsqu'elle entre dans la cuisine, les vestiges du repas de réveillon ont disparu et tout est déjà débarrassé, nettoyé et rangé.

"Bonjour les petits bouchons ! fait-elle en arrivant.
- Bonjour Tantine, répondent les filles en duo impeccable pendant que Saya vient flairer la bonne odeur matinale de la première levée.
- Bin dis donc, t'as pas chômé ! Mais t'es levée depuis quelle heure ?
- Huit heures à peu près... Je te fais un café ?
- T'en as du tout prêt à faire réchauffer ?
- J'ai déjà tout bu de la première cafetière. Attends, bouge pas, je m'occupe de tout. Tu prends ce que tu veux, hein. J'ai sorti les pains de reste, les confiotes, le beurre..."

Il ne faut pas lui dire deux fois de prendre ce qu'elle veut en tartines, à Dame Catherine. Quand sa mère n'est pas dans les parages, elle est parfaitement à l'aise, comme chez elle... carrément chez elle, en fait. En tout cas, elle n'a pas besoin d'une heure, d'une douche ou d'un café pour être de bonne humeur, diserte et souriante. Saya monte sur ses genoux pour participer à la fête des miettes de pain beurré. Je m'interpose mollement.

"Saya, descends de là !
- Laisse donc, va, de toute façon elle n'écoute rien...
- C'est bien ça le problème. Imagine si tout le monde était comme elle dans cette maison, je m'arracherais les cheveux en permanence.
- Je vois ça d'ici : 'Marine, finis ton assiette !', 'nan !'. 'Lisa, fais moins de bruit !', 'NAAAN !!!!'. 'Chéri, sors les poubelles !', 'NAAAAAAAN !!!'.
- Je pensais surtout à monter sur tes genoux pour lécher des saletés sur la table... Si Lisa et Marine le faisaient aussi... tu vois le genre ?
- Hihihi, on veut monter sur les genoux ! rigolent les filles qui n'en perdent pas une miette elles non plus.
- Mmh, j'adore tes confitures Sylvie. Elle est à quoi celle-là ? Je la connais pas..
- Cynorhodon-gingembre, c'est un essai...
- Ouah, c'est réussi, j'aurais jamais pensé à associer le gingembre au cyré... à ce machin de fruit au nom bizarre."

J'aime faire des confitures et surtout expérimenter des parfums nouveaux et des associations originales. Catherine a devant elle melon-citron, orange amère-cannelle, tomates vertes-haricots rouges (une demande spéciale de Marc, c'était sans doute une blague mais il est prévenu : il doit finir le pot !) et cynorhodon-gingembre. Les grandes classiques à fruit unique sont sagement rangées dans le placard, ce sont les miennes et je m'en régale toute seule les jours d'école.
Quand les filles sont devant leurs maîtresses et Marc devant... son ordinateur de bureau, je m'accorde une dégustation dans les règles. S'il fait beau, je mets ma chaise face au soleil, la tablette de desserte juste à côté de moi. Il me faut des gressins longs sans goût, les plus neutres possibles, pour les tremper dans les pots à délices. Tout en suçotant mes bâtonnets de gelée de mûres ou de coings, de confiture de fraises ou de griottes, je contemple le jardin qui court jusqu'au bois du bas de la colline. Je pense aux broussailles qu'il faudra élaguer, je songe aux légumes qui seront bientôt à cueillir. Ma tête se vide et mes neurones s'engluent avec délices dans les gelées de fruits sucrées. Mes rêveries sont en général entrecoupées d'assauts très intéressés de Saya le petit monstriau à quatre pattes. Les petits lévriers italiens sont minuscules, la nôtre pèse tout juste quatre kilos à deux ans, mais ils sont montés sur ressorts. Quand Saya convoite votre nourriture dans son trajet de votre main à votre bouche, elle se dresse sur ses pattes arrière, comme une mangouste suricate, et danse et bondit sur place jusqu'à ce que vous l'ayez nourrie ou qu'elle soit sûre que l'aliment que vous venez d'avaler ne ressortira pas. Et si vous ne la regardez pas danser, elle finira sur vos genoux, qu'ils soient croisés ou serrés, à deux mètres du sol comme à terre. Un PLI dans votre maison, c'est la certitude de ne jamais vous égarer dans de paisibles somnolences. Et si vous vous avisiez de l'enfermer dans une pièce un peu isolée dans l'espoir de disposer d'une petite plage de repos, vous entendriez les hurlements de souffrance les plus déchirants qui aient jamais été produits dans votre périmètre. A moins de disposer d'une cellule insonorisée, et encore... vous ne pouvez pas ignorer que vous êtes l'heureux propriétaire d'une insaisissable étincelle.
Ainsi mon esprit était en train de s'égarer dans ma cuisine jaune en pensant à toutes ces confitures disposées sur la fameuse nappe provençale. Si ! Vous savez bien, cette nappe jaune avec des grappes d'olives fraîches : Une personne sur deux en a une chez elle. Ou ça ou les serviettes, les casseroles ou les napperons. Moi j'ai toute la collection, même les couverts et les sous-verre, ça me rappelle le soleil sous lequel je n'ai pas vécu.

"Bin t'es où ? m'interpelle la Catherine aux commissures ointes de gelée.
- Moi ? Je suis nulle part... ou quelque part entre le printemps et le soleil...
- C'est bizarre d'aimer autant le soleil comme toi et de détester la chaleur en même temps.
- Qu'est-ce que tu veux, c'est comme ça.
- Ils dorment encore, les autres ?
- Sans doute, sinon ils viendraient.
- Maman viendrait, mais les hommes je suis moins sûre. Surtout Allan. Celui-là, c'est un vrai sac à vin qui ronfle et qui pète. Et le matin, tu peux faire venir l'aéroport de Longeron devant la piaule : que dalle, y a personne !"

C'est la première fois que j'entends Catherine dénommer son mari de façon aussi péjorative. Le "sac à vin" avait toujours été un "lapin", un "bichon chéri" ou dans les moments les plus exaltés un "léopard des neiges". Comme tout le monde, Cath' vieillissait et son regard sur les choses changeait. Bientôt, elle appellerait sa mère "la vieille peau", elle divorcerait et irait s'installer en Nouvelle-Calédonie. Et pourquoi pas ?
Ca ne me plaît pas trop d'entendre ma belle-sœur parler de son mari en ces termes. Aussi je fais comme font les gens et comme je fais toujours quand quelque chose me déplaît : je me tais...
Du bruit nous parvient des escaliers. Un zombie de la nouvelle année va certainement apparaître et envahir le secteur de restauration matinale avec d'inquiétants borborygmes. Catherine lance les paris :

(...)
à suivre

La crème au beurre, chapitre 3, Sébastien Haton

11 commentaires:

  1. Bien appétissant tout ça... avec mon esprit de contradiction ce sera du miel ce matin!

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  2. Le fait est que j'écris "confitures à gogo" mais que je n'en mange jamais :)

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  3. Très beau récit d'un lendemain de fête! Je crois bien que ne tenterai pas les mélanges bizarres pour mes confitures! Chez nous c'est abricot, orange et prunes les préférées. Si vous aimez l'orange, j'ai une très bonne recette de "dundee marmalade" que je peux te passer si tu veux;o)

    ***
    À bientôt****

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  4. La plume facile, Seb.

    Félicitations, c´est comme-ci j´avais pris mon petit-déjeuner avec vous.

    Belle semaine

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  5. seb je suis revenue , l'avez vous remarqué
    le pauve sac à vin
    à bientôt
    vous savez pour les biographies c'est qu'un renard du métier traine pour m'acheter , alors si çà vient passer c'est pas pour les blogeurs nous sommes loin de cela n'est-ce pas
    je vous embrasse

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  6. Moi je veux bien ta recette, cildemer, au moins pour la transmettre à mes parents, LES spécialistes familiaux de la confiote ;)

    C'était un plaisir de te recevoir, Alba, pour partager ce bon moment :))

    Chère Frankie, je suis bienheureux de vous revoir... et je viens de voir qu'en effet vous étiez revenue :)))
    Je vous embrasse de même et j'arrive pour ma promenade dans vos lignes.

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  7. sac à vin,lavabo,mouille-gueule(expression polonaise),pochard,poivrot,baille à vin,biturin,absinthé... et pourquoi pas bag-in-box ou cubbi-box pour faire plus branché!
    combien de temps resteras-tu silencieux! :-))

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  8. Hello flo ;)
    Je cesse d'être silencieux dès qu'à présent !

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  9. J'en voulais plus, mais moi j'ai lu à l'envers! La suite avant le début, rhooo. Mais c'était génial quand même. On aura d'autres bouts dit ?

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  10. Mélanie, tu pointes le problème des blogues qui se lisent à l'envers...
    Promis, je mettrai la suite du chapitre ;))

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