Des écrits, des écrits, des écrits... Et des lectures aussi, sous forme de surprise samedi lors du vernissage.
Une des peintures de véronique,
variations autour de ruches naturelles.
L'incroyable "reine des abeilles"
devant le rucher de toiles,
deux éléments du projet de Véronique qui seront exposés durant Be:e.
Un de mes textes fera partie de l'ensemble,
les autres sous forme de livres seront visibles à part.
Vue de la belle "ventileuse",
créature consolante hors catégorie,
premier insecte de la collection.
Nous voulions absolument en être, il faut le reconnaître. J'ai essayé de résumer ma démarche et ma méthode ci-dessous en moins de 500 mots ;-)
"Mon très fort désir de proposer des
textes pour l'exposition Be:e fut le fruit de deux grandes passions,
héritées de l'enfance :
En premier lieu la faune et la flore
comme un tout homogène et indissociable. Mes nombreuses fins de
semaine passées dans la ferme familiale vosgienne m'ont appris que
les animaux et les végétaux ne s'opposent ni se juxtaposent, mais
se fondent dans le même ensemble, le milieu, le biote à mes yeux
révélés, mes yeux d'enfant émerveillé et reconnaissant.
Ma deuxième passion est toute entière
dans le projet : le lexique, le vocabulaire, la façon dont le sens
de chaque mot interagit avec chaque sens de chaque autre mot...
l'idée que les mots fusionnent eux aussi pour former leur propre
écosystème, dans lequel la polysémie tient lieu de dimorphisme.
Avec les années, l'abeille est
progressivement devenue mon ”animal préféré”, comme je le
disais à l'époque où il existait des animaux que je n'aimais pas.
Grâce en particulier à mes parents, apiculteurs amateurs, j'ai
appris à reconnaître l'incroyable dépendance qui est à la nôtre
envers cet insecte hyménoptère tout entier acquis à notre cause
commune : la préservation du vivant par la reproduction naturelle.
Les menaces qui pèsent sur elle, les pesticides non sélectifs et
les perspectives d'une effrayante agriculture sans pollinisation sont
en train de modifier le regard que nous portons sur l'abeille. Je
sais désormais qu'il faut urgemment la défendre et à travers elle
nous défendre nous-même contre la dureté supposée du monde à
venir.
Mon intention initiale fut d'élaborer
des textes utilisant tous les termes du champ lexical de l'abeille
mais sans jamais parler explicitement du monde apicole. Autrement
dit, proposer des écrits purement métaphoriques dont certains
susciteraient des interprétations évidentes mais tacites, et
d'autres aucune interprétation sinon celle induite par un imaginaire
débridé en pleine activité. Pour construire le champ lexical de
l'abeille, j'ai fait une recherche dans mon énorme collection de
dictionnaires informatisés et en ai extrait tous les termes dont au
moins une des définitions contenait le mot « abeille ».
J'en trouvai 121, lesquels figurent en totalité dans chacun des
textes que je propose.
Partant sans idée préconçue au sujet
des thèmes de mes histoires à venir, je décidai de déterminer
l'ordre des mots par tirage au sort, un tirage pour un texte, en
découpant 121 petits papiers, chacun portant un vocable, et en les
mélangeant dans un chapeau. L'idée d'écrire avec un ordre
contraint fait moins que m'embarrasser : cela m'aide. En
général, mon imagination s'emballe à la simple vue de la liste de
vocables aléatoirement constituée. Les premiers mots donnent
souvent le ton et le thème, et le reste suit de façon plus ou moins
fluide et rapide, mais toujours en accord avec les choix précédents.
Dans cette optique, la forme et le sens du texte que vous avez sous
les yeux sont autant le fruit du hasard que des décisions prises par
l'auteur dès le démarrage de l'écriture."
Et un extrait, quand même :
« Cette nosémose devient
insupportable, lui dit-il en regardant derrière lui.
- Fermez votre opercule et faites-moi
confiance. Je suis une apis de niveau cinq. Quand mes ailes sont en
feu, les faux bourdons brûlent pas le simple souffle de mon
passage. »
A ces mots pleins d'espoir, la loque
qui le gênait cesse de le démanger.
« Vous êtes une vraie fleur, pas
une de ces larves qui...
- Je vous arrête tout de suite,
l'avette. Tant que les varroas vous colleront au train et que les
taons vous bourdonneront après, n'essayez pas de flirter. Essayez de
vous souvenir que je suis une apivore avant qu'on arrive au rucher. »
Il passe sa brosse d'antennes dans les
cheveux en essayant d'oublier l'essaim qui est à ses trousses autant
que la butineuse qui le conduit, une pince tibio-tarsienne sur le
volant et l'autre par la fenêtre. S'il avait su que cette affaire
serait aussi peu du gâteau, il n'aurait jamais quitté sa vie
d'hyménoptère pur citadin, vivant dans une colonie urbaine au
milieu d'avenantes syrphes tartinées de cold-cream, de ventileuses
du dimanche ou de cirières distribuant leurs légumes dans des
corbeilles à pollen chaque jour de marché. La mouchette qui
l'accompagne a une allure de mangeur-d'abeilles, apiphage aux dents
aiguisées, sans doute issue d'un couvain de piqueuses élevées à
la gelée royale. Elle aura développé un apisin mortel qu'aucun
autre élevage ne pourrait égaler...
Il cesse de penser, voyant qu'un frelon
asiatique tente de dépasser la préreine en lâchant sur eux une
salve d'enfumoir depuis sa jaguar.
« Je fais de l'ozocérite !
râle-t-il en toussant pitoyablement dans le bourdonnement des apidés
patibulaires qui se rapprochent.
- Taisez-vous et laissez la mouche
faire son miel ! » lui lance-t-elle sévèrement.
Tout en conduisant, la nymphe guerrière
brandit un pistolet à pollen en direction de leurs poursuivants. Son
air mellifère provoque un étouffage de son passager qui suffoque,
en proie à une violente et subite acariose.
« Comme sentinelle, vous ne valez
guère mieux qu'un éristale qui voudrait se faire passer pour un
xylocope ! » lui lance-t-elle méchamment tandis que le
véhicule ennemi se rapproche de la planche de vol.
Elle gare ses antennes au moment où
une philanthe lance son gorgeret vers la nourrice.
« Cette caste de guêpiers est
des plus coriaces, mais ils vont apprendre ce qu'est une vraie
charpentière... Vous savez vous servir d'un nida ?
- C'est que... à part en apiculture et
en abeillage, j'étais assez mauvais en sports de jet à l'école... »
Une exposition à voir absolument. Vous avez dix mois...
Ça, Sébastien, tu sais faire ton miel des mots que tu collectes !
RépondreSupprimerBravo et bonne chance à l'exposition !
Merci monsieur l'apiculteur ;-)
SupprimerAIE !!!!
RépondreSupprimerJe reviens de France, mais ai completement oublie de chercher tes livres en librairie, zut alors.....:-(
Roooo...
SupprimerLa prochaine fois, peut-être :-)
Note que le premier livre est (presque) épuisé... Le ciel orange est lui encore disponible.
Bonsoir oui cette expo devait être superbe
RépondreSupprimerpuis j'adore le miel
j'espère que tout se passera bien pour toi et qu'il y aura beaucoup de monde aussi
BISE
Merci, France.
SupprimerLes présents auront eu raison, c'est vraiment une très belle exposition et je trouve que les œuvres de ma compagne sont particulièrement réussies :-)
Quelques hommes ou femmes politiques pourraient être qualifiés de "ventileurs(se)" tellement leurs ailes s'agitent. A cette différence près que l'abeille, elle est utile à sa collectivité...
RépondreSupprimerOn peut le penser :-)
SupprimerDe plus en plus, je me dis que ce n'est pas nous qui avons besoin de politique, c'est la politique qui a besoin de nous !
OUI ces bestioles doivent rester chez nous
RépondreSupprimerNous nous battrons pour qu'elles restent ! merci à toi, s.
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