vendredi 12 août 2011

Nouveau roman à quatre mains, ou histoire de fous collective

Il était une fois trois gentes mousquetaires :
Frankie, Pomme et Croukougnouche.

Sûrement des pseudonymes cachant des identités de femmes célèbres. Un jour, elles décidèrent d'écrire un roman à plusieurs, qu'elles intituleraient "l'homme aux yeux couleur d'huître".
J'étais en manque d'écriture... Aussi fus-je extrêmement prompt à proposer ma candidature et l'on m'adouba gentiment. Voici en exclusivité sur "le verbe au vert" l'état actuel de ce roman en forme de cadavre exquis (tout en espérant qu'il n'en devienne pas un). Le jeu consistera pour vous en la recherche de ma contribution personnelle :

Sur une proposition de Frankie Pain,

( cliquez sur le lien ci-dessous)



Elle l'avait aperçu ,un matin très tôt , alors qu'il marchait le long de la promenade de la mer . De dos il aurait pu ressembler à n'importe quel touriste : veste de lin froissé ,stature massive ,cheveux drus en mèches agitées par le vent .
Mais il tenait en laisse un très grand et gros chat noir et blanc qui avançait au même rythme nonchalant que son maître. De temps en temps , ce couple insolite faisait une halte pour admirer le rivage encore désert à cette heure, et c'est ainsi qu'elle pu voir le visage de profil .

Ce qu'elle vit lui donna envie d'un peu plus , d'autant que le chat avait tourné la tête au moment où elle passait à sa hauteur : son regard vert liquide profond au milieu du masque surprenant en raison des taches noires et blanches avait accroché le sien d'étrange façon .D'un pas rapide elle avait continué et traversé la chaussée pour se poster à distance , à la terrasse du Bar des Mouettes.C'était le moment de son premier café , elle profitait ainsi du paysage ,vierge de toute agitation parasite tout en mettant ses pensées du jour en ordre : la ligne mouvante de la mer gris pâle berçait et stimulait son introspection.
Mais aujourd'hui, tout cela était un peu perturbé par les deux silhouettes qu'elle apercevait au loin , progressant vers le phare.
Le café ne lui sembla pas aussi bon que d'habitude , elle l'avala trop rapidement ,en se brûlant un peu la langue. Elle se dit que sans doute , l’inconnu se dirigeait vers le bistrot de coquillages qui ouvrait dès 7h .
C’était le rendez-vous des habitués qui venaient engloutir leur dose iodée quotidienne ,pas un endroit chic, plutôt un comptoir à la bonne franquette.
Malgré toutes ces années ,elle n'avait jamais réussi à sauter le pas: l'idée d'absorber une créature vivante ,de la sentir descendre dans son estomac, la révulsait. pourtant , ce n'était pas faute d'avoir essayé , encouragée par Monique et Gérard , ses cousins natifs de Granville, chez qui elle résidait à chacun de ses séjours . Elle en avait été quitte pour une humiliante séance de vomissements , cachée dans les toilettes du restaurant .Rien à faire , les huitres , ce n'était pas pour elle.
C'est donc avec réticence qu'elle se mit à marcher vers la pointe rocheuse : L'homme au chat venait de s'installer effectivement à une table .Il avait posé sa veste sur le dossier de sa chaise, et portait une chemise bariolée ornée de perroquets . Le chat perché en face de lui faisait une consciencieuse toilette .

Elle buta contre une latte disjointe et en trébuchant, alla s'installer contre le mur , il y avait un petit vent frisquet et elle aurait du emporter un gilet. Elle commanda une assiette de crevettes roses avec un verre de vin blanc.Elle observa le serveur qui plaçait devant le promeneur un énorme plateau d'huitres, ainsi qu'une écuelle de crevettes décortiquées , visiblement destinée au chat.
Elle sursauta quand on vint lui apporter sa commande : Crevettes et pain beurré lui paraissaient soudain incongrues . Elle commença par une gorgée de vin , et au moment où elle levait son verre , l'amateur d'huitre se tourna vers elle " Bon appétit!" dit-il en souriant, puis ,saisissant une coquille , il en aspira bruyamment le contenu d'un air réjoui.
Légèrement nauséeuse , elle piqua du nez sur son assiette et se mit à décortiquer ses crevettes .

L’homme avait son trouble. Depuis qu’il avait accepté pour le film de Jaunet et Karo « La bourgade des enfants retrouvés »dans le dernier il avait dompté les puces criminelles çà avait été terriblement dangereux il s’en était tiré par un bide à Kane et une dermite colossale traité à Saint Louis du Sénégal… fidèle en leur dompteur cette fois-ci les coquilles d’huîtres.
Ce matin , il avait travaillé avec la marée et avait trouvé une chose.
Maintenant le repos , dégustation. Il fit signe à son compagnon à poils il regarda en comptant jusqu’à 3 dans la direction aux crevettes décortiquées. Le chat comprit sa mission. Il descendit de son perchoir avec une élégance dépassant ho ! la main celle du perroquet….
Le chat veloutement marchant, alla sous la table à la mangeuse de rose et de sa queue il encercla la cheville de la dame comme les marocaines se bijoutent les jours de fêtes, il fit une tension, il était doué : il était la résurrection de l’hameçon , le point de cette reviviscence , il l’avait logé dans sa queue. Comme sous hypnose , le dame vint s’asseoir en face de l’homme. Le maître héla le serveur pour servir une assiette d’huîtres à son vis-à-vis et une autre chaise pour le chat.

L'homme cligna des paupières....des larmes sourdaient à ses yeux glauques...
Des coquilles, tant de coquilles!!!
Sa vie aventureuse, soudain battait derrière ses paupières rougies... roses comme ses crevettes dont le chat noir et blanc faisait craquer les carapaces d'une dent férocement gourmande...
Et cette femme, là qui beurrait ses tartines... était-elle une coquille , elle aussi, qu'il allait devoir corriger???
Corriger, corriger ...et des coquilles toujours...
Quel destin!!
Elle, était fascinée... cet homme là, qui la buvait des yeux... de ses yeux glauques, glauques comme les huîtres, ces huîtres qui s'agitaient, criaient silencieusement, pleuraient peut-être, malmenées dans les torsions de ses intérieurs avant de rendre leur dernier soupir... Allait-elle devoir avaler aussi ces yeux... elle ne pourrait jamais croquer des yeux... est-ce croquant des yeux... des sensations , des idées horribles lui venaient sur l'ingestion des yeux... Les huîtres déjà la dégoûtaient , alors des yeux!!!
Ah, qu'il cesse de la fixer ainsi! qu'il s'en aille lui et son chat aux yeux maléfiques, aux moustaches barbouillées du rose sanguinolent des crevettes...


Cependant, malgré son intense répulsion, elle ne pouvait pas se lever ni s'en aller. Ses jambes lui commandaient une immobilité qui la laissait à la merci de ce regard aussi vitreux que verdâtre, un regard de mollusque... Peut-on voir par ce que l'on mange ? Elle pensa soudain à Gilles, le doux, le grand, l'adorable Gilles, celui qui l'appelait tendrement sa "pintadine" par dérision sur son joli prénom à elle... Lui aussi aimait tant les huîtres qu'il avait fini par la quitter pour une petite Charentaise à la peau écaillée. Je hais les huîtres et je hais les Charentaises, se disait-elle pendant qu'elle fondait dans son assiette de crustacés.

"Comment vous appelez-vous ? osa l'homme sans cérémonie superflue.
- Perle..." s'entendit-elle répondre comme si toute sa volonté avait disparu dans l'estomac de l'homme, à la suite des innombrables belons qui s'y trouvaient déjà.

Et, justement, l'un des lamellibranches entendit peut-être l'appel du divin prénom et voulut remonter par où il avait sombré. L'homme toussa si violemment que le chat sursauta sur sa chaise en rendant lui-même une partie de la crevette qu'il venait d'avaler ; sa queue se raidit et quitta la cheville qu'elle enserrait toujours. La jeune femme en frissonna d'un plaisir étrange, comme si l'étreinte soudain relâchée était plus agréable en souvenir...
L'homme semblait avoir du mal à remettre ses conduits droit. Il toussait encore, à intervalles réguliers, tandis que le chat fixait Perle avec un méchant air d'enfer félin, la queue battant sèchement l'air d'un côté et de l'autre.
Maintenant que l'emprise hypnotique de l'homme s'était éteinte, elle décida de pousser son avantage sans savoir où elle allait :

"Vous croyez à la réincarnation ? Au karma ?" demanda-t-elle en interrogeant du regard les huîtres immangées qui bougeaient à peine.

L'homme cessa de tousser, gronda à la place, et posa sur elle ses yeux de marais.

"Vous ne devriez pas parler de ces choses", fit-il trop sérieusement.

Allons, je l'ai blessé. Il y croit certainement...

"Mollusque tu mangeras, mollusque tu...
- Je vous l'ai dit ; vous ne savez pas de quoi vous parlez... Perle. C'est bien Perle, votre prénom ? Croyez-vous qu'un tel prénom vous fût attribué par hasard ? Et que notre rencontre serait elle aussi le fruit de la fortuité ?"

Ses mots étaient effrayants et elle eut l'impression qu'ils annonçaient plus qu'une courtoise malédiction sans lendemain. Elle s'aperçut en le fixant que ses yeux à lui n'étaient pas seulement glauques, ils étaient aussi chassieux. Les mollusques se vengeaient en dévorant le cerveau de leur bourreau, investissant ses globes oculaires et déposant dans ses flux lacrymaux une glaire épaisse qui se figeait sitôt qu'elle rencontrait l'air libre. Le chat et son maître avaient un air démoniaque qui l'effrayèrent tout à fait. Elle aurait aimé qu'ils la craignissent eux aussi... mais elle doutait de ses pouvoirs.
Perle se leva brusquement avec un affolement qu'elle souhaitait faire passer pour de l'assurance. Sa hanche heurta la table. Une crevette entière tomba de l'assiette, mais Chat ne bougea pas.

"Je vais m'en aller ! piailla-t-elle alors qu'elle était déjà debout.
- Je le vois. Je ne vous dis pas adieu, je vous dis à bientôt. Nous allons nous revoir.
- Je suppose que c'est inévitable, mentit-elle avec aplomb. M'avez-vous dit votre nom ?
- Non. Sachez que je ne m'appelle pas Gilles, c'est tout."

Il rit méchamment, sans forcer.
Elle le maudit à voix basse en allant régler son addition. Quand elle repassa devant la table, l'homme et le chat avaient repris leur besogne gastronomique avec un entrain qui acheva de l'écœurer. Alors que l'homme faisait mine ne pas la voir, le chat la fixa jusqu'à ce qu'elle fût hors de son champ de vision.


L'homme aux yeux couleur d'huître, chapitre 1, frankie, pomme, crouk et shaton

13 commentaires:

  1. bon ben c'est très bien, j'ai envoyé à ses dames
    l'introduction est super à part que d'en notre intérêt d'écriture est de ne pas répondre au cadavres exquis mais et j'y tiens de me redire de tenir compte des ingrédients des autres
    c'est beaucoup plus intéressant et c'est ce que vous avez fait d'ailleurs
    à plus je mettrai l'épisode en envoie
    cette nuit

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  2. slurp!! bien alléchante, cette suite ... j'attends celle de Frankie pour embrayer..:-)

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  3. Je lis je lis c'est excellent les amis...quand je sentirais le créneau je poserais qques papattes..de crabes ? Vive la marée louche dans les yeux !

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  4. Euh... Tu étais en manque d'écriture ?!?
    Tu me surprendras toujours ;-)!!
    Mais en même temps, tu adores les mots!

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  5. Une histoire d'huîtres que j'ai adoré gober ];-D

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  6. Aux trois auteures déjà déclarées, merci pour m'avoir ainsi accueilli :))
    J'adore cet exercice chaleureux et passionnant d'écrire à la suite des autres, sans rien savoir à l'avance :)
    Frankie, bien entendu que ce n'est pas un cadavre exquis. Pour moi, c'est déjà un vrai roman !

    Laure tortuelegere et Andiamo, mes meilleures bienvenues à votre endroit :))
    Et je suis ravi que l'histoire vous plaise !

    C'est simple Caroline, cela fait deux mois que je n'écris pas, que je relis un peu, que je travaille beaucoup... Jusqu'ici, j'écrivais tous les jours, TOUS LES JOURS !! Le changement fut trop brutal :))

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  7. Mon cher Seb nous l'attendions et nos lecteurs aussi, dans la rue les gens me disent et alors allez dites moi la suite
    Monsieur Marc
    « Quand je prends le métro pour allez bosser, je les édite et je lis, et je rêve à la suite et j'attends »

    c'est venu de toi et c'est très bien
    Moi JE CONNAIS, les lecteurs de mon blog
    ils ne viennent certains que le lundi du rire
    d'autres pour les contes
    pour d'autres c'est mes aquarelles
    pour certaines c’est glaner quelques remédes pour tenir aux mats demiséne et ne pas suivre les morbide sirénes aux cheveux nous
    ….

    alors je crève d'envie
    mais comment Se repéreront-ils ainsi si j’édite hors du mercredi

    ils sont entrain de te chercher comme Crouch
    a mis un lien pour toi
    comme elle a déjà dessiné l'homme,

    c'est nos feuilletons d'été
    et comme les gosses dés qu'ils sortent aux USA
    ils lisent et regarder les nouvelles saisons de leur héro
    ainsi chez nous nous allons vivre des aventures
    et tous attendoIns ton écrit et j'ai trouvé çà génial !
    gros bisous à toi
    et j'ai adoré te lire , la bible que tu as constitué pour intégrer les détails
    moi cela m'a pris deux heures aussi
    pour me faire la bible de ce petit monde
    le public suit tous les détails , il rêve , et c'est çà nous, respectons Lui :
    leur plaisir , le notre bien sur , je repense au "Plaisir du texte" de Roland barthes en écrivant çà

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  8. l'épisode 5 EST ARRIV2 SUR TON MAIL FRANKIE

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  9. J'avais lu cette histoire chez Croukougnouche.. Formidable ! Je ne saurai pas dire qui a écrit quoi !!!

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  10. Merci pour le nouvel épisode, Françoise, si riche et si coloré ! Ta maîtrise des métaphores inversées est phénoménale, elle ouvre des tas de portes narratives !
    Je suis tenté d'écrire une suite "volante" sans attendre mercredi :))

    Dans ce cas, Andiamo, un des objectifs a été rempli :))

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  11. tu as bien fait,
    notre auteure pomme a dit n'écrire qu'aprés son âne bavard
    !
    nous connaissns la suite
    pour permettre quelques motifs en attendant le mercredi j'ai crée ce journal l'écho des coquilles
    qui pour des raisons d'un autres blog l'écho des sabots que j'ai découvert aprés
    ses les échos de la coquille qui paraitra aprés votre parution
    j'espère que ta sciatique a dit stop

    belle semaine

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  12. I'm back ! But i'm busy.

    Grosses bises, Françoise, et à tantôt.

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