jeudi 26 mai 2011

Quand l'auto-fiction dépasse la réalité -2-

Deuxième partie du feuilleton consacré à la version romanesque de mon retour au laboratoire dans lequel j'ai commencé ma carrière de lexicologographe.
Dans le premier épisode, le héros retrouvait son appartement après plus d'un an d'absence pour cause de crapahutage dans la forêt.

Quand l'auto-fiction dépasse la réalité
PARTiE 2

(...)

Après mon appartement, l'un des premiers lieux qui devait me revoir était le théâtre de mes travaux d'autrefois. Je craignais beaucoup de devoir réaffronter la compagnie de mes anciens camarades, mais c'était le moyen le plus direct de replonger dans le monde réel. Je me disais qu'il me suffirait de franchir les portes et tout recommencerait comme avant, une vie facile en somme, une vie que je trouvais sans intérêt, mais qui était facile.
Après avoir affronté la vie sauvage, après l'avoir effleurée, il me semble donc préférable, pour ne pas dire inévitable de céder à la facilité... si celle-ci veut toujours de moi.

Le parcours que je faisais autrefois quatre fois par jour dans les deux sens a perdu de sa familiarité. C'est un peu comme si les points de repères avaient bougé, la taille des arbres, la position des places de parking, la peinture des passages pour piétons... mais c'était surtout une affaire de tempo. Durant ma vie au grand air, mon pas s'était considérablement allongé. J'arrive donc beaucoup plus tôt que prévu sans avoir eu le temps d'imaginer le moindre vers de promenade. Pas pensé, pas eu envie.
Rien n'a changé au labo. Rien... sauf l'homme qui y entre après presque deux ans d'absence. La dame de l'accueil me reçoit comme un fils prodigue. Elle pleure, elle m'étreint et, entre ses larmes et ses embrassades, je mesure le poids de ma défection. Deux longues années sans donner de nouvelles, cela représente plus que je n'aurais pu le croire. Par son émotion non contenue, Monique me fait payer mes errances. Son affection nourrit ma culpabilité. Combien sont-ils à avoir pleuré, sinon à s'être demandés ce que je faisais, où j'étais...? Ils sont bien moins nombreux que j'aimerais le croire.

"Oh... Pierre... Tu sais que j'ai pensé à toi tous les jours ? Je me disais : Est-ce qu'il est retourné vivre dans la forêt tout seul ? Est-ce qu'il a froid ? On a souvent parlé de toi, ici... Certains disaient des choses horribles... enfin, tu dois bien te douter...
- Je ne sais pas..."

Quand on a traversé le temps comme une pâleur, on ne peut pas se douter que le reste du monde vit et communique dans notre dos. L'acheteur d'allumettes pense devenir un fantôme au moment où il a décidé de disparaître car, pour lui, les autres sont comme des fantômes qu'il a laissés derrière lui, des souvenirs flous, sans remords dans l'instant.
Mais c'est au moment où il n'est plus là que l'acheteur d'allumettes commence à compter pour ceux qui sont restés. On parle de lui, on lui invente un destin, on lui fabrique des défauts qu'il n'avait pas ou on lui imagine des qualités invraisemblables qu'il ne possédait pas non plus. Ses exactions et prouesses supposées fleurissent au coin des bouches qui l'évoquent. Le fuyard commence à exister quand on le croit mort. Et puis les images de lui s'estompent peu à peu. Même son nom devient flou. Lorsqu'on parle de lui plus tard, pour évoquer le temps où il était là, au milieu des autres, on cherche...

"C'était comment son nom déjà ?
- Pascal... non, Philippe...
- Pierre.
- Ah oui ! Pierre, Pierre Fouret ou Foret !
- Non, Pierre Faury... ou Fourly... Tu as des nouvelles ?
- Non, aucune..."

Et l'on parle d'autre chose...


[à suivre...]


L'acheteur d'allumettes II, chapitre 2, retour à la source, Sébastien Haton

5 commentaires:

  1. Ah ? C'est écrit trop gros ?
    Qu'en pensent les autres lecteurs ?

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  2. Je viens te dire bonjour et je vais vite boire mon litre ( d'eau) bye

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  3. Faut-il partir pour être reconnu?
    Avec une copine qui s'appelle Monique, je serais restée dans les bois!

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  4. Bonjour France, tu fais bien de faire attention à la chaleur ! Tu as un ordi qui fonctionne à l'énergie solaire ?

    Bonne question, manouche, c'est en tout cas ce que croit le héros, puisqu'il se sentait un peu ignoré quand il était présent... En réalité, on est souvent ignoré des autres parce qu'on s'ignore soi-même.

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