dimanche 5 juin 2011

Quand l'auto-fiction dépasse la réalité -7-

Septième épisode du feuilleton extrait d'un chapitre de l'acheteur d'allumettes 2, écrit il y a longtemps et qui ressemble étrangement à mon présent, toutes proportions gardées et toutes choses inégales par ailleurs dans un monde parfait, le héros étant aussi éloigné de moi que le chemin qu'il prend pour réintégrer sa vie d'avant.

Dans l'épisode 1, Pierre rentre chez lui.
Dans l'épisode 2, il retourne sur son ancien lieu de travail.
Dans l'épisode 3, il est accueilli avec effusion par des collègues avec lesquels il ne s'est pas toujours bien entendu.
Dans l'épisode 4, il raconte ses aventures et annonce son désir de retravailler là à une des personnes présentes.
Dans l'épisode 5, il se retrouve dans le bureau du directeur pour essayer de se faire réembaucher.
Dans l'épisode 6, il croit comprendre qu'il ne sera pas réembauché.
Voici le septième volet de ce retour...

Quand l'auto-fiction dépasse la réalité
PARTiE 7

(...)

La citation m'arrache un sourire presque sonore. Jean-Pierre répond sur le même mode.

“Je suis content de te voir sourire, Pierrot. J'avais peur que tu en aies oublié le mécanisme.
- A vrai dire, je ne crois pas avoir oublié quoi que ce soit. Je me sens intact...
- Tant mieux, tant mieux. Tu continues à écrire ?
- Oui, je m'y remets. Je n'écrivais pas trop quand je travaillais au parc à loups de Thérens...
- Au parc à loups de Thérens ? Tu as travaillé là-bas ? Tu sais que c'est une sacrée référence dans un CV scientifique ! Il faudra que tu t'en serves.”

Encore une fois, j'interprète trop vite la remarque. D'abord, elle pourrait bien être ironique, bien que sans méchanceté. Et quand j'entends "CV", j'en déduis “aller voir ailleurs”. Bien qu'aimant bien Jean-Pierre Pierson, ayant même commencé à le tutoyer, je me prépare néanmoins à partir.

(...)

“Écoute, je ne voudrais pas monopoliser ton temps, qui doit être précieux. Et puis je vais devoir me bouger si je veux retravailler quelque part...
- Attends, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de solution. Je n'ai pas dit non plus que je ne voulais plus de toi comme collaborateur.
- Je l'ai compris, ça, ne t'inquiète pas. Mais je pensais aussi avoir saisi la position des tutelles...
- Écoute, Pierre l'aventurier, toi tu as dis “merde” au monde entier et c'était ton droit. Maintenant tu reviens avec humilité et orgueil mêlés, et c'est également ton droit. Mais moi, je n'ai pas bougé, j'ai gardé le cul sur cette chaise, j'ai défendu mes billes et mes confitures et il y a notamment une chose qui n'a pas changé : Quoi qu'il arrive, la tutelle, je lui dis zut...”

« La tutelle, je lui dis zut... », qu'il dit
L'invective ressemble fort à une semonce de mauvais garçon. L'attitude du directeur n'a pas changé mais son discours si. Ou alors il s'adapte à un interlocuteur qui, lui, a subi plusieurs métamorphoses jusqu'à devenir ce papillon roussâtre qui ne sait pas encore s'il est un diurne butineur, toujours posé sur la fleur, ou un nocturne éphémère désespérément collé au carreau d'une fenêtre fermée.
Et moi, je le lui dis zut, à la tutelle ?
Toujours pas, hélas. Je persiste à respecter la main qui peut me battre, parce que j'ignore à qui elle appartient. La tutelle est un papillon mixte qui bleuit la nuit et roussit le jour. La tutela volubilis, selon son nom savant, est une espèce invasive exogène. Nous, les papillons endogènes et néanmoins migrateurs, devons pouvoir l'éradiquer avant qu'elle ne nous chasse.
Sans le savoir, je réagis comme un animal alors que j'exige de redevenir humain. Le milieu ne me le pardonnera pas, c'est évident.

(...)

Deux jours plus tard, le labo m'appelle. Le directeur a marché sur la tutelle, laquelle s'est partiellement dérobée.

“Pierre ? J'ai une solution pour toi. On ne peut pas te réintégrer pleinement mais il y a d'autres moyens.”

la “solution” imaginée par l'audacieux personnage était simple. Bien qu'il lui fût dorénavant impossible de recruter ou de faire rentrer au bercail les brebis égarées, il avait la possibilité de sous-traiter un certain nombre de tâches auprès de sociétés indépendantes. Je devrais ainsi devenir moi-même une société indépendante...


[à suivre...]


L'acheteur d'allumettes II, chapitre 2, retour à la source, Sébastien Haton

5 commentaires:

  1. Tu te souviens du slogan ( criminel):" chomeurs fondez votre entreprise!"

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  2. Oui, je me souviens.
    Et c'est un fait que j'ai failli le faire... mais finalement non.

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  3. Et moi, je voudrais bien le faire! Ras le bol des élèves de plus en plus difficiles et de l'EN et leur connerie de cahier de texte numérique, SITIZ, SACOCHE, PLACE et compagnie!
    Attendons les vacances! J'aurais peut-être une idée lumineuse;o)

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  4. Ouaip, véro, mais c'était ton destin ;)

    Bin, choisis bien ton idée lumineuse... parce que c'est dur. Parfois, on regrette ses élèves d'autrefois...

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