Il ne me reste que deux mois pour mener à bien mon entreprise de premier-jetage à grande échelle.
C'est la dernière fois que je promets d'écrire 14 romans en un an. L'année prochaine, il n'y en aura que 12 !
Puisqu'il ne reste que deux mois, je vais en profiter pour faire un point précis sur chacun des récits engagés dans le sprint final. Certains sont déjà finis (bien peu) et d'autres en sont loin (bien peu également).
Votre rôle dans les semaines à venir sera de déterminer lequel ou lesquels de ces récits vous voudriez voir édités avant les autres :))
Etant donné que ce blogue est entièrement archivé, vous pouvez retrouver tous les précédents extraits publiés de chacun des 14 récits, sous la rubrique romans et récits en cours. Pour celui d'aujourd'hui c'est facile, c'est le premier de la liste.
Le voici :
TITRE : La sphère des immortels, partie I : la porte des mondes
GENRE : heroic fantasy
SYNOPSIS COURT : Sur le continent Orym, Le très jeune Nirnael est désigné Gardien de la Sphère, un rôle primordial dont il sait cependant peu de choses. Tout en luttant contre ses propres démons et ceux des autres, il devra s'abstraire de son monde pour découvrir ailleurs les mécanismes de l'Univers, les prérogatives qui lui reviennent et bien d'autres mystères qui le dépassent, comme les multicouches temporelles.
AVANCEMENT : 550 pages déjà écrites pour le premier jet. Outre les annexes (linguistiques, historiques et biographiques) toujours en friche, il ne me reste plus que deux ou trois chapitres centraux à enrichir.
Comme il aura une suite, tous les mystères ne seront pas résolus, ruse d'écrivain à épisodes ;))
Sera fin prêt pour relecture bien avant l'échéance du 31 décembre :))
EXTRAIT
Le passage de la première porte aboutissait à un nouveau mur, qui lui-même... recelait l'autre porte, laquelle fut particulièrement difficile à enfoncer tant elle semblait protégée par un puissant sortilège. Mais tout cela se passait dans la tête du jeune Gardien et aucun sort ne saurait l'empêcher de se mouvoir dans les dédales de son propre esprit.
Lorsque les dernières résistances de la deuxième porte tombèrent, il entra dans une vaste salle peu éclairée au milieu de laquelle était posée une grande table ovale. Les huit personnes qui étaient assises autour, pas une de moins, cessèrent leurs discussions animées et "regardèrent" entrer leur hôte. Aucun visage n'était visible, comme si les convives étaient sans tête, le visage camouflé sous d'épais capuchons qui leur descendaient jusqu'en dessous des yeux, si jamais ils en eurent.
C'est ainsi que je me figure mon propre conflit intérieur, songea Nirnael qui était certain d'avoir seul imaginé cette vision de complot encapuchonné, attablé et mal éclairé. La scène ressemblait de beaucoup à de nombreuses autres qui furent décrites par des conteurs anciens dont les œuvres étaient consignées en Tawel.
Sans attendre d'y être prié, il s'assit à la place libre qui se trouvait près du passage qu'il venait de franchir. Il était face à un des huit tandis que les sept autres étaient assis sur les côtés, trois à sa droite, quatre à sa gauche. Aucun n'eut de mouvement hostile, et pour cause : Il fallait bien respecter les règles de l'hospitalité fixées par leur hôte depuis son intrusion... et dont on ignorait encore la teneur.
"Vous n'avez pas été long à venir nous rendre visite, sépulcra la chose en face de lui. Nous parlions justement de vous...
- Il n'y a guère d'autre sujet à traiter par ici.
- Vous croyez ? Votre cerveau n'est pourtant pas dépourvu de richesses insoupçonnées...
- Restons-en à moi, voulez-vous ?
- Comme vous voudrez, vous êtes ici chez vous.
- Justement, c'était la première question que je voulais soulever. Donc, je suis ici chez moi et vous y êtes également, mais sans y avoir été invité. Pouvez-vous m'expliquer le comment de cette intrusion, puis son pourquoi ? Si je ne décide pas de vous mettre à la porte après vos précisions, j'aurai peut-être autre chose à vous demander."
Un rire profond, collectif, désordonné et pourtant très mélodieux se fit entendre dans la tête du logeur fâché mais calme. C'était également un rire très sépulcral, à l'image de la voix qui l'avait (ac)cueilli à son entrée. Le rire se fit flottant et commença à désenfler comme un mouvement de symphonie écrit pour être joué de plus en plus piano jusqu'au silence. Il n’y eut aucun applaudissement.
Nirnael prit conscience qu'il était au cœur des prédictions de sa sœur Beatrix : Il y a un lieu où tu seras seul à pénétrer, où personne ne pourra te suivre. Il lui sembla néanmoins que cette impression était biaisée car il ne se trouvait pas en un lieu, il était en pleine introspection immatérielle. Ses déplacements étaient des sensations qu'il s'inspirait à lui-même tout en conservant cette étrange originalité qui sied aux mondes intermédiaires. « L'endroit où il ne pourrait se rendre que seul » n'était sans doute pas celui-là, et pourtant... la vérité avait déjà jailli de la prophétie.
L'un des enseignements forts de Maïald était précisément de se méfier des oracles car la vérité d'un événement qui n'a pas encore eu lieu n'est pas contestable puisqu’on ne peut pas prouver le contraire. C'est la raison pour laquelle une prédiction n'est jamais semblable à "Tu épouseras une femme blonde prénommée Aëylia et tu auras quatre filles et deux garçons" car cela ne se réalise presque jamais et contribue à enfermer le sujet dans une quête aussi vaine qu’aberrante. On connaît la légende de ce Prince d'antan qui fut frappé de cette prophétie, trouva une femme de ce prénom après des années de quête obsessionnelle, l'épousa de force, la séquestra avant de se faire assassiner par les frères de la demoiselle...
Les vrais prédictions sont toujours sibyllines et vagues... et se réalisent subséquemment presque toujours, même plusieurs fois dans certains cas.
Le jeune Gardien se fit son propre oracle : Je te le prédis, Nirnael, tout ce joli monde déménagera de ta tête un jour ou l'autre.
Cette idée le fit sourire mais un détail lui ôta l'envie de s'amuser : Son vis-à-vis luisait d'une blancheur irrépressible malgré l'opacité de son manteau à capuche. Cette vision le décontenança car elle lui rappela celle plus ancienne des Poursuiteurs contre lesquels étaient venus se battre Echéril et Maïald. Ce n'était cependant pas ce qui le troublait le plus ; pour un esprit exercé comme le sien, toute vision interne ne pouvait être qu'une construction interne. Autrement dit, rien dans cette pièce ne préexistait à ses perceptions habituelles. Il avait imaginé la double porte piégée, la table ovale, les capuches et à présent le rayonnement blanc de son interlocuteur. Il motivait aussi ce silence prolongé que personne, et pour cause, n'avait rompu.
Quoi qu'il en fût, la fulgurance de ses réflexions n'échappa nullement à la vigilance de ses interlocuteurs imaginaires :
"Tu penses beaucoup, et tu penses vite, jeune seigneur. Nous ne sommes pas trop de neuf pour te suivre.
- Neuf ? L'on se cacherait céans ?
- Compter est insuffisant. Tout ce qui est ici ne se voit pas. Et ce qui se voit n'est pas toujours ce qu'il montre.
- Je prends ça pour une mise au point : ici, rien n'est réel et tout est réel. Il est possible que ce que j'expérimente en ce moment n'ait aucune réalité.
- Et possible que si, effectivement.
- Vous n'avez pas répondu à mes questions.
- Soit. Comment sommes-nous arrivés ici ? Nous allons où nous voulons, nous n'avons pas de contrainte, nous sommes des voyageurs libres. Même un esprit complexe et clos comme le tien est insuffisant à nous faire barrage. Pourquoi ? Tu devrais le deviner seul mais je vais te donner notre version : Tu es comme nous tous un voyageur libre, ou tu veux le devenir, c'est pareil. Mais tu as un véhicule physique, c'est toute la différence. Nous devons te montrer comment voyager sans véhicule, et tu pourras éventuellement nous accompagner.
- Que se passerait-il si je refusais d'être guidé ?
- Nous pensons que tu ne te priveras pas de notre assistance, ne serait-ce que par simple curiosité.
- Vous êtes des spectres ?
- Des rémanences de spectres, à la rigueur. Mais ce ne serait pas exact... Mais qu'es-tu en train de faire, au juste, jeune seigneur ?"
Pendant qu'il les faisait parler en leur posant des questions élémentaires dont il écoutait à peine les réponses, Nirnael avait commencé à ériger des défenses internes relativement élaborées. Les membres de l'assistance qui se taisaient depuis le début s'agitèrent de plus en plus, dans l'impossibilité de se lever ou de se mouvoir de quelque façon que ce soit.
Nirnael pensait être fixé sur la nature de ce qui le hantait. Il ne voulait plus en discuter, son unique dessein était de forclore l'assemblée et il s'y employait bien. Le maître de cérémonie se leva brutalement et entreprit de se ruer dans la direction de Nirnael qui ne bougea pas d'un pouce.
"Non. Vous n'avancerez plus.
- Imbécile..."
Malgré l'ordre impérieux du propriétaire du cerveau occupé, la forme blanche encapuchonnée gagnait du terrain sur la table, avançant comme s'il était monté sur coussin d'air. A son passage, les autres spectres retrouvèrent leur mobilité et furent comme entraînés dans son sillage. Nirnael s'attendait à ce que sa volonté fût partiellement contrée, mais la réaction de ses vis-à-vis avait été trop tardive. Lorsque ceux-ci furent à quelques mètres du jeune Gardien, un premier mur fut érigé devant eux.
"Vous n'avancerez plus, vous ai-je dit. Allez hanter qui vous voudrez, la maison ne loge plus à partir de cet instant. Vous n’êtes plus des voyageurs libres en ces lieux.
- Tu ne peux pas faire une telle chose... ahana la voix avec effort. Personne ne peut entraver des voyageurs libres... Tu n'en as pas le droit... »
Le plafond de la "salle de réunions" s'effondra d'un seul bloc sur la masse des conspirateurs et ce fut le silence.
Sous les décombres de la salle neuronale, les dépouilles des "rémanences spectrales" dégageaient une insistante odeur de fromage et de viande froide. Des ruines ne montait plus signe de "vie" mais l'odeur se fit plus persistante à mesure que le temps passait, et ce malgré le travail de colmatage effectué par Nirnael autour de la pièce désaffectée.
Un spectre mort est un fromage odorant fut la dernière phrase de son introspection quand Nirnael fut interpellé de l'extérieur.
La sphère des immortels, chapitre 11, Sébastien Haton
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