J'ai commencé hier un survol quotidien de mes 14 récits en cours. Celui d'aujourd'hui est le second sur la liste dans la rubrique considérée (ceci afin d'accéder aux précédents extraits).
Si vous voulez jouer au relecteur partiel, je vous invite à me dire lequel ou lesquels de ces 14 machins vous voudriez voir édités avant les autres. Le jeu est difficile, néanmoins, car je n'en suis qu'au début des 14 présentations...
Je rappelle que les messages traitant de mes récits en cours sont archivés ici.
Et que tout le blogue est archivé, d'ailleurs.
TITRE : Les enfants nés morts
GENRE : roman réaliste, chronique familiale
SYNOPSIS COURT : Dans la famille Millet, on est fille-mère de mère en fille depuis quatre générations. Cela crée un atavisme sournois dont aucune femme ne parvient à se détacher. Rosalinde, la narratrice, raconte son parcours depuis sa naissance jusqu'à son présent de femme tout juste cinquantenaire.
AVANCEMENT : 448 pages écrites, il est officiellement en relecture... et donc terminé dans le cadre de mon projet. Quelques aménagements seront faits avant la fin de l'année, sur les conseils de lectrices qui pensent que mon parti pris de sordidité est parfois excessif ("on a compris !").
Peut déjà être réservé si vous êtes un éditeur et que vous aimez les histoires sombres presque vraies :))
Une personne fort estimable, et écrivain par surcroît, a déjà manifesté sa préférence théorique pour ce récit.
EXTRAIT
Elle jetait fréquemment des petits coups d'œil dans ma direction. Comme je ne bougeais pas, elle me fit signe discrètement mais sans ambiguïté qu'elle apprécierait que je m'éloigne. Toujours sidérée mais un peu résignée, j'allais m'enfermer dans ma chambre où je libérai enfin mes larmes d'enfance perdue.
Deux ou trois fois, je pus percevoir des sons appuyés venant de notre salon, peut-être une exclamation de surprise ou un éclat de rire. Je n'étais pas trop en état d'écouter aux portes.
Puis, après quelques minutes, je n'entendis plus aucun murmure venant de la pièce à côté, ce qui devait signifier que la conversation était finie entre les deux extrémités de mon arbre généalogique restreint. Je ne voulais pas bouger, j'attendais qu'on vienne me délivrer. J'avais besoin que Laurence vienne me déterrer et c'est heureusement ce qu'elle fit. Après un délai qui me parut interminable, elle vint gratter à ma porte à son tour.
"C'est bon, tu peux sortir, on a fini la prise de contact, là.
- [Coup de massue derrière la nuque] La prise de contact ...? Tu veux dire que... vous allez remettre ça...?
- Et ouais ! Et on va même se rencontrer pour de vrai, lâcha-t-elle sans aucune méchanceté.
- Mais tu peux pas avoir envie de connaître cette peau de vache ! C'est pas possible !"
J'étais atterrée.
Tout... je veux bien tout, tu m'entends ? Mais pas ça !
Je ne pouvais pas accepter que les monstres remettent les griffes dans ma vie, même par procuration, par l'intermédiaire de ma propre fille. Laurence me considéra sévèrement, les sourcils froncés, mais sans colère. Elle savait ce que me coûtait son annonce, elle avait de toute façon ses raisons contre lesquelles je ne pouvais lutter.
"Hého, je suis pas obligée de faire comme toi, hein ? Elle me demande pas grand chose, ta mère, elle veut juste connaître ses petits-enfants et puis ça tombe bien parce que moi aussi j'aimerais voir de la famille parce que la famille bin tu vois j'ai que toi alors faut aussi que j'en profite pour une fois qu'y a quelqu'un de mon sang qui veut me connaître, juste me connaître, et qui me dit "je suis ta grand-mère et une grand-mère doit toujours aimer ses petits-enfants" et bin ça me touche, tu vois, ça me touche et tant pis ce qui s'est passé avant, moi j'y étais pas, j'ai rien à voir avec ça, je veux juste profiter de toutes mes chances tu vois, j'ai pas de comptes à rendre à elle ou à toi, hein, t'aurais pas voulu connaître ta grand-mère, toi ? Ça te ferait quoi qu'elle t'appelle maintenant pour te dire gentiment qu'elle regrette tout le temps perdu mais que l'avenir nous appartient tout ça, hein, ça te ferait quoi ? Et puis un jour aussi je retrouverai mon père, en plus tu m'as dit un jour que tu le connaissais mais c'est pas parce qu'il a pas voulu de toi... je veux dire de nous... que je dois pas le chercher, quoi..."
Laurence-la-muette avait tout lâché d'une traite, en une seule phrase et sans apparemment prendre le temps de respirer. Dix-huit ans de frustration en une tirade de quarante secondes... Et moi j'avais perdu ma langue. Je me mis à la chercher, j'avais dû l'égarer dans un coin de la bouche.
Tout y était passé et tout était vrai : le besoin de retrouver sa vraie famille, la quête du père, le lien avec la mère de la mère, l'occultation de celle-là par celle-ci, l'émancipation affective, le temps perdu, le temps à gagner, la mise en face de mes contradictions enfouies... Laurence me donna une leçon qui ne profiterait guère ni à l'une ni à l'autre. Par là, elle me signifiait que sa vie lui appartenait et que, si j'y avais ma place et pas la moindre, je n'avais plus à influencer ses choix.
Les enfants nés-morts, chapitre 17, Sébastien Haton
Pour moi, ce sera "L'acheteur d'allumettes II !!! :D
RépondreSupprimerExcellent choix, Patty ;))
RépondreSupprimerMais cela suppose que L'acheteur d'allumettes I soit édité avant, ce qui n'est pas encore fait.
Est-ce que tu accepterais de me dire pourquoi tu as choisi celui-ci ? :))
J'aime beaucoup aussi "textes pour oeuvre de Véronique Lafont"!!! J'hésite entre les deux projets.
RépondreSupprimerEn fait je n'ai pas lu grand chose de l'acheteur d'allumette I, car je ne fréquente pas ton blog depuis assez longtemps. Mais j'ai aimé les quelques textes que j'ai lus de l'acheteur d'allumette II. J'aime les subtilités de la relation entre l'homme, l'animal et l'artiste. Ça pose des réflexions intéressantes et c'est intriguant.
Patty, j'apprécie ce que tu dis sur l'acheteur II.
RépondreSupprimerJ'aime aussi les extraits que j'ai mis en ligne, le risque étant que le reste ne soit pas au même niveau...
Concernant les "textes pour œuvre de véronique Lafont", ce sont pour l'essentiel des textes destinés à être mis en peinture ou en sculpture par ma moitié. Il est peu probable que je les soumette à des éditeurs en l'état (mais sait-on jamais).
Merci pour ton avis,
sébastien